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La survie dans tous ses états...
1 avril 2012

Une histoire d'immunité présidentielle...

 

 

L'immunité dont jouit le Président de La République est l'une des clefs de cette campagne, dans la mesure où certains supputent que la candidature puis la réélection de Mr SARKOZY lui assurerait pour cinq années encore la paix judiciaire.

Quand est il réellement? Que dit la Constitution Française de1958 sur ce point de droit particulier? Pour cela, référons nous aux articles 67  et 68 du texte fondateur

L'imprécison du texte originel en la matière a rendu nécessaitre une réforme.

Précisons que l'immunité présidentielle a pour seule finalité d'assurer la stabilité des institutions.

 

Sous la Ve République : un statut flou


Titre IX - La Haute Cour de justice (Constitution du 4 octobre 1958)


Constitution de la Ve République française

Dans sa rédaction originale, depuis profondément révisée, la Constitution de la Vème République portait :

« Article 67
Il est institué une Haute Cour de justice.
Elle est composée de membres élus, en leur sein et en nombre égal, par l'Assemblée nationale et par le Sénat après chaque renouvellement général ou partiel de ces assemblées. Elle élit son président parmi ses membres.
Une loi organique fixe la composition de la Haute Cour, les règles de son fonctionnement ainsi que la procédure applicable devant elle.

Article 68
Le président de la République n'est responsable des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions qu'en cas de haute trahison. Il ne peut être mis en accusation que par les deux assemblées statuant par un vote identique au scrutin public et à la majorité absolue des membres les composant ; il est jugé par la Haute Cour de justice.»

— Constitution du 4 octobre 1958




La faiblesse de l'article 68

Si l'on considère que la première et la seconde phrase sont au contraire distinctes, le sens est radicalement différent. On conclut que le président n'est responsable que du crime de haute-trahison dans l'exercice de ces fonctions, mais qu'on peut l'accuser de toute infraction commise dans ces fonctions après. De plus, au vu de la seconde phrase, s'il ne peut être mis en accusation que par la Haute Cour de Justice, rien ne dit qu'elle ne peut le mettre en accusation que pour le crime de haute trahison, mais aussi pour d'autres infractions qu'il aurait pu faire.

Cette contradiction pose un grave problème de sécurité juridique, puisque selon l'interprétation qu'on en donne, le statut pénal du président change radicalement. Si un président de la République commet une infraction pendant l'exercice de ses fonctions, on ne pourra pas, dans les faits, le juger, puisqu'aucune juridiction ne pourrait se déclarer compétente.

Décision du Conseil constitutionnel relative à la Cour pénale internationale

Dans sa décision 98-408 DC du 22 janvier 1999, relative au statut de la Cour pénale internationale, le Conseil constitutionnel français a de façon incidente donné son interprétation de l'article 68 :

« Considérant qu'il résulte de l'article 68 de la Constitution que le président de la République, pour les actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions et hors le cas de haute trahison, bénéficie d'une immunité ; qu'au surplus, pendant la durée de ses fonctions, sa responsabilité pénale ne peut être mise en cause que devant la Haute Cour de Justice, selon les modalités fixées par le même article ;»

— Décision n° 98-408 DC du 22 janvier 1999

Le Conseil Constitutionnel a fait une lecture autonome de la deuxième phrase, et a ainsi considéré que l'article 68 ne prévoyait pas d'immunité pénale générale mais un privilège de juridiction au profit du président de la République. Il ne peut alors être jugé que par la Haute Cour de Justice pendant que dure son mandat pour les infractions pénales qu'il aurait commises.

L'arrêt Breisacher de la Cour de cassation
La Cour de cassation, dans son arrêt Breisacher rendu par l'Assemblée plénière le 10 octobre 2001, a eu une autre lecture de l'article 68. La Cour limite le privilège de juridiction à la seule haute trahison; la deuxième phrase de l'article 68 ne fait que prolonger la première phrase. Le juge judiciaire est, d'après la Cour de Cassation, compétent pour les actes accomplis par le président en dehors de ses fonctions, et pour les actes antérieurs.

Cela ne signifie pas pour autant que le juge puisse convoquer le président, car comme le rappelle la Cour: « rapproché de l'article 3 et du titre II de la Constitution, l'article 68 doit être interprété en ce sens qu'étant élu directement par le peuple pour assurer, notamment, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'État, le président de la République ne peut, pendant la durée de son mandat, être entendu comme témoin assisté, ni être mis en examen, cité ou renvoyé pour une infraction quelconque devant une juridiction pénale de droit commun ». La Cour de cassation, juridiction judiciaire, interprète donc en premier lieu la Constitution, ce qui peut poser un problème. Mais en second lieu, l'action publique (et la prescription) est donc suspendue jusqu'à la fin du mandat : une demande de convocation doit être considérée comme irrecevable.

La Cour rejette clairement l'interprétation de l'article 68 du Conseil Constitutionnel, en considérant qu'elle n'est pas tenue en l'espèce par sa décision. L'article 62 de la Constitution précise pourtant que « les décisions du Conseil constitutionnel […] s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles », alors que le demandeur considérant que « la décision du Conseil constitutionnel du 22 janvier 1999 qui statuait sur la constitutionnalité de l'article 27 du traité portant statut de la Cour pénale internationale ne dispose d'aucune autorité de chose jugée à l'égard du juge pénal ».

Concrètement, la conclusion des deux Cours serait la même : le président ne peut être convoqué par un juge d'instruction. Mais le fondement diffère : pour le Conseil constitutionnel, ce juge est incompétent, alors pour que la Cour de Cassation, il est bien compétent, même s'il ne peut intervenir à raison de la suspension des poursuites.

Il y avait urgence à unifier les jurisprudences , d'où la mise en place de la Commission Avril (du nom de son Président)

 

La Commission Avril

La Commission Avril était une commission française de douze sages, présidée par Pierre Avril, qui fut constituée par le décret du 4 juillet 2002 et invitée par le président de la République française Jacques Chirac à formuler des propositions sur le statut pénal du chef de l'État, suite aux interrogations sur l'article 68, à la décision Cour pénale internationale du Conseil constitutionnel, et à l'arrêt Breisacher de la Cour de cassation.

Cette commission propose d'instituer une immunité élargie de la fonction présidentielle, qui suspend les poursuites à l'encontre des actes commis antérieurement au mandat et des actes détachables des fonctions ainsi que les mesures d'obligation à comparaitre en qualité de témoin lorsqu'elles sont assorties de la contrainte par la force publique. Cependant immunité ne signifie pas impunité ; à l'expiration de son mandat, les poursuites pénales et civiles à l'encontre du chef de l'état pourront être engagées ou continuées avec cette garantie fondamentale que les délais de prescription sont suspendus durant le mandat.

Mais les travaux de la commission Avril et le projet constitutionnel apportent également une innovation : la haute trahison serait supprimée et remplacée par « un manquement à ses devoirs incompatible avec l'exercice de son mandat ». Il s'agit donc d'instaurer une responsabilité de politique inédite en France.

.

La réforme constitutionnelle du 23 février 2007

Le statut du président de la République française a fait l'objet d'une réforme constitutionnelle, approuvée par le Congrès le 19 février 2007.

« 
Article unique

Le titre IX de la Constitution est remplacé par les dispositions suivantes :

« TITRE IX
« LA HAUTE COUR

« Art. 67. – Le président de la République n’est pas responsable des actes accomplis en cette qualité, sous réserve des dispositions des articles 53-2 et 68.

« Il ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l’objet d’une action, d’un acte d’information, d’instruction ou de poursuite. Tout délai de prescription ou de forclusion est suspendu.

« Les instances et procédures auxquelles il est ainsi fait obstacle peuvent être reprises ou engagées contre lui à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la cessation des fonctions.

 

A la lecture du premier alinéa du texte, on en déduit que le Chef de l'Etat n'est pas responsables des actes qu'il commet dans l'exercice de ses fonctions et prérogatives présidentielles telles que définies aux articles précédents. De fait il ne saurait durant l'exercice de son mandat être l'objet de poursuites ou tout autre acte judiciare provenant soit des juridictions ordinaires, soit des autorités administratives.

Cela n'exclut pas que celles ci retrouvent leurs attributions dès un mois après la fin du mandat. La prescription est simplement suspendue pendant ce laps de temps.

Cet article n'a pas pour but d'exonérer le Président de tous ses actes, mais il tend à assurer une certaine tranquilité dans l'exercice de la fonction présidentielle, en évitant des procédures qui pourraient être dilatoires ou ne viser qu'à une déstabilisation de l 'Etat.

Le Président non réelu devient des lors, un justiciable comme les autres, ou presque!

 

L'article 67 paraît accorder un blanc seing au Président, ce qui n'est absolument pas le cas, comme le précise l'article 68



« Art. 68. – Le président de la République ne peut être destitué qu’en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat. La destitution est prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour.

« La proposition de réunion de la Haute Cour adoptée par une des assemblées du Parlement est aussitôt transmise à l’autre qui se prononce dans les quinze jours.

« La Haute Cour est présidée par le président de l’Assemblée nationale. Elle statue dans un délai d’un mois, à bulletins secrets, sur la destitution. Sa décision est d’effet immédiat.

« Les décisions prises en application du présent article le sont à la majorité des deux tiers des membres composant l’assemblée concernée ou la Haute Cour. Toute délégation de vote est interdite. Seuls sont recensés les votes favorables à la proposition de réunion de la Haute Cour ou à la destitution.

« Une loi organique fixe les conditions d’application du présent article. » »

 

Cet article prévoit une traduction du Président de La République devant une juridiction spéciale, la Haure Cour, toute fois que le président commet un manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat. Cette procédure est nommée destitution.

Reste à définir ce qu'il faut entendre par "manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat".

Cette procédure n'ayant jamais été utilisée à l'encontre d'un Président sous la Véme République, il n'existe pas de jurisprudence à ce propos.

 

Une promesse non tenue est elle un manquement aux devoirs présidentiels? Peu probable dans la mesure ou d'une part les promesses n 'engagent que ceux qui y croient, et que d'autre part, le Chef de l'Etat est redevable d'une obligation de moyen et non de résulat.

L'invitation en grandes pompes d'un dictateur connu est elle un manquement du Président à ses devoirs? Dans l'hypothèse oula dictature est connue de tous, il me semble que cela serait susceptible d'entrer dans la catégorie des actes dont le Chef de l'Etat pourrait répondre devant la Haute Cour...

 

Une autre question se pose : le Président peut il être inquiété pendant son mandat d'actes passés mais constituant manifestement un manquement aux devoirs présidentiels (Exemple: financement de campagne électorale illicite).

Si l'on s'en tient au texte, l'emploie du présent s'oppose à envisager ce cas de figure.

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Il demeure à attendre que la jurisprudence n'éclaircisse un peu plus ces articles 67 et 68, objets de tant de gloses et de fantasmes.

 

 

 

 

 

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